Lucrèce Borgia : l’équilibre parfait entre drame et comédie

Lucrèce Borgia Comédie Française Denis Podalydès

Gennaro (Gaël Kamilindi) dans les bras de sa mère, Lucrèce Borgia (Elsa Lepoivre) (Crédit image : Comédie Française/Christophe Raynaud De Lage)

Fidèle à l’esprit de Victor Hugo, la mise en scène carnavalesque de Denis Podalydès mêle habilement sublime et grotesque.

Quatre ans après sa création, la mise en scène de Denis Podalydès du chef d’œuvre dramatique de Victor Hugo, Lucrèce Borgia, revient à la Comédie Française. Dans une version certes plus classique du point de vue du casting – en 2014, le personnage de Lucrèce Borgia était joué par Guillaume Galienne et celui de Gennaro par Suliane Brahim –, mais néanmoins tout aussi réussie.

Les tyrans nous fascinent. C’était déjà vrai du temps de Shakespeare, ça l’est encore aujourd’hui. Et quel tyran que cette Lucrèce Borgia ! Du moins sous la plume de Victor Hugo, qui prend des libertés avec la vérité historique. Criminelle, adultère, incestueuse, fratricide … la monstrueuse Lucrèce a tous les torts. Ce qui ne l’empêche pas d’être une mère aimante, souffrant en secret d’être séparée de son fils Gennaro, fruit d’une union interdite, qui ignore l’identité de sa mère. La pièce de Hugo met en scène leurs retrouvailles carnavalesques et terrifiantes.

Drame romantique tragicomique, Lucrèce Borgia est un savant mélange de sublime et de grotesque, de sérieux et de légèreté, de beauté et de monstruosité. Denis Podalydès a réussi à trouver l’équilibre parfait entre la comédie et le drame, embrassant avec intelligence les deux pôles inconciliables et pourtant inséparables de l’œuvre de Victor Hugo. Sa mise en scène rend avec justesse l’ambiance carnavalesque de la « fatale et criminelle Italie » où tout n’est qu’apparence et illusion. Belle et élégante, la scénographie d’Éric Ruf offre quant à elle de magnifiques tableaux dans lesquels s’exprime un sens aigu de la picturalité. Le casting est lui aussi impeccable : Elsa Lepoivre est touchante en monstre amoureux faussement apathique ; Gaël Kamilindi campe un Gennaro convaincant habité par la fougue de la jeunesse ; et Christian Hecq fait des merveilles en Gubetta, maître de cérémonie bouffon à souhait.

« Ayez pitié des méchants, vous ne savez pas ce qui se passe dans leur cœur », tente de se défendre la malheureuse tyran. Lucrèce est-elle un monstre ? Impossible de trancher la question à l’issue du spectacle qui, à l’instar du texte de Hugo, brouille volontairement les pistes. Plongée à la fois terrible et drôle dans les méandres du cœur humain, cette version de Lucrèce Borgia offre un beau moment de théâtre.


Lucrèce Borgia, de Victor Hugo. Mis en scène par Denis Podalydès. À la Comédie Française jusqu’au 1er avril 2019 : https://www.comedie-francaise.fr/fr/evenements/lucrece-borgia18-19#

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